Circulaire du 24 mai 2017 : méthode de travail exemplaire, collégiale et efficace
Circulaire du 24 mai 2017 relative à une méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace
NOR: PRMX1715510C
ELI: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/circulaire/2017/5/24/PRMX1715510C/jo/texte
JORF n°0123 du 25 mai 2017 – texte n° 7
A la suite de l’élection du Président de la République, le Gouvernement va engager la mise en œuvre rapide du programme approuvé par les Français. Celle-ci implique une méthode de travail renouvelée. L’objectif est de revenir à un fonctionnement marquant l’autorité de l’Etat et prenant en compte le long terme. Dans le même temps, le Gouvernement doit renouer avec les Français l’indispensable confiance sans laquelle il n’est pas d’administration efficace. L’organisation de l’action gouvernementale doit ainsi répondre à une triple exigence d’exemplarité, de collégialité et d’efficacité.
Cette méthode de travail doit être mise en place sans délai. A cet égard, en votre qualité de ministre, vous jouez un rôle essentiel, en étant à la fois membre du collectif gouvernemental et chef de l’administration de votre ministère. La présente circulaire précise les enjeux auxquels nous devons répondre à titre individuel et collectif.
1. Exemplarité
L’exemplarité est le fondement de la confiance accordée par les Françaises et les Français au Gouvernement. Chacun de ses membres doit traduire cette exigence dans son comportement, que ce soit dans l’exercice de ses fonctions ou en dehors de ses engagements publics. L’intégrité, la dignité et la probité sont au cœur de l’action publique.
D’une part, vous devez strictement respecter les obligations légales qui vous sont applicables et notamment celles issues de la loi du 11 octobre 2013 modifiée relative à la transparence de la vie publique. Il vous faut déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les intérêts que vous détenez au jour de votre nomination et au cours des cinq années précédentes. Je souhaite en outre que vous me fassiez part de tout intérêt antérieur à ces cinq ans susceptible d’influencer ou de paraître influencer une décision publique à laquelle vous serez associé. Vous devez aussi déposer une déclaration de situation patrimoniale et confier la gestion de vos instruments financiers à un intermédiaire agréé dans des conditions excluant tout droit de regard de votre part pendant la durée de vos fonctions ministérielles. En cas de questionnement, vous pouvez vous adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
D’autre part, vous devez adopter un comportement modeste et respectueux de chacun. Il convient de limiter l’usage des deniers publics au strict accomplissement de la mission ministérielle en ne tirant pas profit de ses fonctions pour soi-même ou pour ses proches : les cadeaux doivent être remis au service du mobilier national ou du protocole, les offres de séjour privé doivent être refusées, l’embauche de membres de sa famille par contrat proscrite etc. De manière générale, les dépenses à caractère personnel ou familial ne peuvent évidemment être mises à la charge de l’Etat. Vous devez veiller à la bonne application de cet impératif pour vous-mêmes et pour l’ensemble de vos collaborateurs. Le secrétariat général du Gouvernement est à votre disposition pour toute précision sur ces questions. Je lui ai demandé de vous adresser un memento des règles applicables à la fonction de membre du Gouvernement.
Cette exemplarité a un sens : si l’Etat doit être ferme et fort, ses serviteurs doivent être sobres et dignes ; il en va naturellement ainsi pour les membres du Gouvernement.
2. Collégialité
Comme l’a souhaité le Président de la République, le conseil des ministres doit redevenir le lieu institutionnel de discussion entre le Président de la République, le Premier ministre et les ministres. Il s’agit d’y échanger sur les politiques publiques à mener et les réformes à engager. Ces échanges doivent se tenir très en amont afin de pouvoir être pris en compte dans la préparation des textes. Il ne peut s’agir de le faire lors de la délibération du conseil des ministres postérieurement à l’examen par le Conseil d’Etat d’un projet de loi, d’ordonnance ou de décret. Ces échanges, au cœur de la collégialité, permettront d’accélérer la mise en œuvre des priorités publiques.
L’action gouvernementale est une action collective fondée sur une claire répartition des responsabilités.
En premier lieu, chaque ministre est compétent dans les domaines fixés par son décret d’attribution ; il a en charge une administration. C’est à lui de mener dans son secteur la politique gouvernementale. Pour autant il doit veiller à la bonne information de ses collègues.
En deuxième lieu, le Premier ministre dirige l’action du gouvernement. A ce titre il rend des arbitrages qui doivent être préparés dans des conditions permettant à chacun de présenter son point de vue. Il s’agit d’avoir tous les échanges nécessaires préalablement à la décision.
En troisième lieu, une fois les arbitrages rendus, ceux-ci doivent être appliqués. Ils prendront la forme écrite d’un « bleu » de Matignon. Celui-ci m’engagera et il conviendra de s’y tenir. C’est l’application d’un principe simple de loyauté. La liberté intellectuelle et la collégialité ont pour corollaires naturels la solidarité. Chaque membre du Gouvernement pourra voir les décisions prises être plus ou moins proches de ses positions initiales. Mais une fois cette décision prise, il doit en être pleinement solidaire. C’est le gage indispensable de la cohérence de l’action gouvernementale.
La discrétion est le nécessaire complément de la collégialité et de la solidarité. Cette discrétion doit s’appliquer aux membres du Gouvernement mais aussi à l’ensemble de leurs équipes. Je vous demande de leur rappeler l’ensemble de ces principes.
La collégialité implique aussi que chacun de vous, sur les dossiers dont il a la charge, cherche d’abord à s’entendre avec ses collègues avant de recourir à un arbitrage de ma part. L’excès de demandes d’arbitrage est une source de dysfonctionnements déjà ancienne et traduit de faibles capacités internes de négociation ainsi qu’une mauvaise appréhension des modes de travail collectifs.
En cas de demande d’un arbitrage, et hors l’hypothèse où je réunirai autour de moi pour rendre celui-ci les ministres compétents, je vous demande de veiller à ce que les directeurs d’administration centrale jouent sous votre autorité le rôle qui doit être le leur. De façon générale, appliquant les directives que vous leur donnerez et dont vous vous assurerez de la bonne application, c’est à eux de préparer et réaliser les réformes et les projets de texte traduisant les priorités du Gouvernement. Il doit notamment en aller ainsi pour les projets de loi. C’est à eux de venir personnellement en réunion interministérielle d’arbitrage présenter vos positions, puis d’aller au Conseil d’Etat défendre le texte que j’aurai arbitré, de vous seconder dans le travail parlementaire puis de défendre avec le secrétariat général du Gouvernement le texte au Conseil constitutionnel. Je n’hésiterai pas à faire appel à eux pour éclairer les décisions relevant de ma compétence. Je souhaite recevoir régulièrement les notes importantes qu’ils préparent pour la mise en œuvre de l’action gouvernementale.
L’administration française est compétente, neutre et loyale. C’est une force de notre pays. Je vous demande de vous appuyer sur elle. Les directeurs d’administration centrale sont nommés en conseil des ministres. Il vous appartient de travailler de manière étroite avec eux. Comme l’a indiqué le Président de la République, vous serez ainsi à même de décider si vous devez opérer des changements parmi ceux placés sous votre autorité.
3. Efficacité
Vous êtes les chefs des administrations placées sous votre autorité. Vous devez exercer pleinement cette responsabilité et vous appuyer sur elles.
Les tâches respectives des membres des cabinets ministériels et des directeurs d’administration centrale viennent d’être rappelées et encadrées. D’une part, les cabinets doivent être centrés sur des fonctions politiques et veiller à l’explication de l’action et de la communication relative à celle-ci. D’autre part, les directeurs d’administration centrale ont en charge de mener à bien les politiques publiques dans le cadre de l’action gouvernementale. De manière simple, il convient désormais d’éviter de doubler au cabinet les fonctions de l’administration. Ceci appauvrit le lien entre le ministre et ses services et crée des décalages nuisibles à la cohérence de l’action publique. Par ailleurs, pour être pleinement efficace la méthode de travail gouvernementale s’appuiera également sur une nouvelle gouvernance entre les cabinets du Président de la République et du Premier ministre avec la nomination de conseillers conjoints.
Conformément aux engagements du Président de la République, les cabinets ministériels ont été resserrés par le décret du 18 mai 2017 qui doit être strictement respecté. L’effectif d’un cabinet de ministre est de dix, celui d’un ministre délégué de huit et celui d’un secrétaire d’Etat de cinq. En application de la loi du 11 octobre 2013 modifiée relative à la transparence de la vie publique, les membres des cabinets ministériels sont soumis à des obligations de déclaration d’intérêts et de patrimoine. Un membre de cabinet ministériel ne respectant pas ces obligations s’exposerait notamment à des sanctions pénales.
L’administration de votre ministère doit s’engager pour la mise en œuvre des priorités politiques déterminées par le Gouvernement auprès du chef de l’Etat. Dès lors, vous devez organiser des modalités de travail efficaces avec vos directeurs d’administration centrale, qui seront tous nommés ou confirmés dans les six mois, pour prendre en charge sous votre autorité ces politiques publiques. Des circuits courts de décision et une bonne circulation d’information doivent permettre de rendre les modes de fonctionnement plus efficaces. Il est nécessaire que vous rencontriez vos directeurs individuellement et collectivement très régulièrement, et que vous vous appuyiez pleinement sur les services placés sous votre responsabilité.
Vous devez faire appel aux secrétaires généraux, chargés des fonctions support mais aussi et surtout de la cohérence d’ensemble du pilotage, pour vérifier la cohérence des objectifs fixés aux directeurs et l’adéquation des moyens alloués. Le secrétariat général du Gouvernement est également à votre disposition pour vérifier cette cohérence globale au plan interministériel. Il peut, si vous le souhaitez, afin de faciliter la mise en route de ces nouvelles méthodes de travail, avec la délégation aux cadres dirigeants, mettre à votre disposition un accompagnement à la mise en place de cette gouvernance.
Je vous demande de préparer, sur la base des orientations fixées par le Président de la République, un projet de feuille de route de votre ministère pour les années à venir. Ce projet devra m’être remis pour le 15 juin. Sur cette base, sera élaboré le programme de travail du Gouvernement que je présenterai dans ma déclaration de politique générale devant le Parlement. Vos programmes ministériels seront ainsi mis en place et vous fixerez sa feuille de route à chaque directeur d’administration centrale. Il s’agit que toute l’administration centrale ainsi que l’ensemble des services déconcentrés se mobilisent pour la réalisation rapide et efficace de ce programme.
Je ferai tous les six mois le point avec vous sur la mise en œuvre de ce programme et de ces feuilles de route ministérielles. Pour votre part, vous examinerez avec vos directeurs d’administration centrale la bonne réalisation des objectifs que vous leur aurez fixés afin de mesurer la correcte réalisation de vos programmes ministériels.
Exemplarité, collégialité et efficacité permettront au Gouvernement de mener à bien le programme ambitieux de réforme que le Président de la République a présenté à nos concitoyens.
Edouard Philippe